Les Assises du Ferroviaire

ATTENTION CE QUI SUIT POURRAIT N'ETRE QU'UN VOEU PIEUX CAR LE GOUVERNEMENT VEUT MAINTENIR LA LGV PACA COUTE QUE COUTE !

Assises du rail : Proposition d'un moratoire sur les projets LGV, priorité à la rénovation de l'existant

  

 

RFF au tourne broche

 

Le 15 décembre, les assises du ferroviaire ont rendu public les rapports de commission. La commission 3 sur l'économie du ferroviaire propose un moratoire sur les projets LGV, et une priorité absolue à la rénovation du réseau existant. (rapport)

Doublement prévisible de l'endettement de RFF et SNCF en 15 ans

Le déséquilibre du secteur atteint plus globalement de 1 à 1,5 Md€ par an (toujours en dehors de tout nouveau projet) si l’on ajoute, au déficit de financement du réseau, le coût des activités de transport aujourd’hui en perte dont, en particulier, le fret ferroviaire.

Surtout, en ne prenant en compte que la réalisation des quatre grands projets de LGV en cours ou en voie de réalisation, l’endettement du secteur devrait quasiment doubler en l’espace de quinze ans : la dette consolidée de RFF (27,4 Md€ en 2010) et de la SNCF (5,1 Md€ sur le périmètre de l’établissement public en 2010) passerait de 32,5 Md€ en 2010 à 60,8 Md€ à l’horizon 2025. L’endettement de RFF atteindrait 51 Md€ à cette date (dont 16 Md€ seulement estimés remboursables par RFF sur le produit des péages futurs), celui de la SNCF, 9,1 Md€.

Une telle évolution est à l’évidence insoutenable. A l’heure où la France est engagée dans un effort sans précédent de redressement de ses comptes publics, il serait vain de présumer de la capacité de l’Etat et des régions à pouvoir poursuivre le financement d’une offre de transport conventionnée dont les coûts galopent. Les difficultés constatées dans le bouclage du plan de financement des récents projets de LGV montrent d’ores et déjà les limites financières des acteurs publics et privés.

La stratégie de développement du réseau Grande Vitesse est une erreur reconnue

L’Etat, dans cette situation, a une responsabilité particulière, pour avoir manqué de vision stratégique en privilégiant l’extension du réseau à grande vitesse, dont il a reporté une partie du coût sur la dette de RFF, pour avoir sacrifié l’entretien du réseau existant, structurellement sous-financé et pour n’avoir pas suffisamment clarifié la confusion de ses rôles de régulateur et d’actionnaire principal. De ce point de vue, la création d’une institution indépendante en charge de la régulation du secteur, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), est un fait majeur qui permettra à l’Etat de se concentrer sur son rôle de stratège.

La confiscation des efforts financiers au profit du réseau grande vitesse n'est pas durable

L’avenir du ferroviaire repose sur la recherche d’une nouvelle dynamique qui devra s’inscrire dans la durée.

Nouvelle dynamique dans l’offre de transport avec une meilleure articulation des services de transport, à la fois ferroviaires et non ferroviaires. Nouvel équilibre dans le financement du réseau car on ne peut durablement laisser dériver un déficit structurel supérieur à 1 Md€ par an. Nouvel équilibre dans la politique d’investissement car le réseau à grande vitesse ne peut confisquer durablement à son profit l’effort de financement des acteurs publics. Clarification enfin de l’organisation et de la régulation du secteur.

Rénovation du réseau existant une priorité absolue

Une priorité absolue en faveur de la rénovation du réseau existant

La commission appelle à soutenir en priorité l’effort de rénovation du réseau. La chute de l’effort de renouvellement à partir des années 1980, dans un contexte de réorientation des investissements sur la création puis l’extension du réseau à grande vitesse, explique en effet la vétusté de l’infrastructure qui est aujourd’hui constatée. Le volume de rénovation, en moyenne de 1.000 km par an sur longue période, a été divisé par deux pendant plus d’une vingtaine d’années avant de bénéficier du plan de rénovation lancé à la suite de l’audit Rivier puis du contrat de performance de RFF (13 Md€ prévus sur la période 2008-2015).

Effort de rénovation sur les lignes principales

L’effort de rénovation sur les lignes principales (un peu plus de 700 km par an hors LGV) ne retrouve pas encore son niveau historique.  Au total, y compris renouvellement des LGV, il conviendrait de porter l’effort de renouvellement à 1.200 km par an sur le coeur de réseau pour simplement stabiliser l’âge du réseau.

Moratoire sur les projets LGV

Le réseau à grande vitesse a concentré, depuis une trentaine d’années, l’essentiel des investissements dans le secteur ferroviaire (presque 2.000 km de lignes à grande vitesse aujourd’hui). Les engagements du Grenelle de l’environnement, repris dans une loi de programmation votée par la représentation nationale en 2009, prévoient le lancement de 2.000 km de nouvelles LGV d’ici 2020. Un programme supplémentaire est même prévu, à hauteur de 2.500 km supplémentaires. La réalisation du programme de 2.000 km de LGV doit permettre de porter de 50 à 75% la part de la population accédant directement au réseau à grande vitesse en moins d’une heure.

La commission s’interroge sur le caractère réaliste de ces objectifs, alors que les quatre projets de LGV en cours (15 Md€ d’investissements) mobilisent déjà d’importants financements de la part de l’Etat et des collectivités locales associées (8 Md€ d’engagements financiers). La quinzaine de projets à réaliser dans le calendrier prévu par le Grenelle de l’Environnement supposerait d’ajouter environ 100 Md€ d’investissements supplémentaires dont le coût, faute de rentabilité suffisante, devrait être supporté presque exclusivement par les collectivités publiques.

L’impossibilité à mener de front la remise en état du réseau existant et la poursuite du développement du réseau à grande vitesse au rythme prévu par le Grenelle Environnement oblige à faire des choix dans le programme de réalisation des nouvelles LGV.

La commission estime qu’il ne faut pas exclure de réexaminer l’opportunité de mener à son terme la procédure engagée sur le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier (coût estimé de 1,6 Md€). En ne prenant en compte que les trois projets en cours de réalisation, la dette de RFF augmenterait déjà de 28 à 38 Md€ d’ici 2014.

La commission juge qu’il serait souhaitable de mettre en oeuvre un moratoire sur tous les autres projets ferroviaires du Grenelle de l’environnement (y compris l’arrêt de nouvelles études), dans l’attente de la réalisation d’une programmation qui garantisse au préalable le financement de la remise à niveau et de la modernisation du réseau actuel (de 2 à 2,5 Md€ par an pour entreprendre le rajeunissement du réseau). La rénovation prioritaire du réseau doit ainsi se traduire par une réorientation des financements consacrés aujourd’hui au développement, sous réserve naturellement des opérations déjà décidées.

La définition des priorités de développement relève de la responsabilité conjointe du gouvernement et du parlement. Elle pourrait s’appuyer sur une meilleure prise en compte de l’évaluation socioéconomique des projets, à confier à une expertise tierce au porteur de projet. Seule une programmation ordonnée, dont la soutenabilité budgétaire est assurée et qui engage sur la durée le décideur, permettrait de sortir d’un système où les choix peuvent sembler faits au coup par coup, en fonction du degré d’avancement technique ou d’une pression politique ponctuelle. L’exercice aurait également l’avantage, en donnant de la visibilité au maître d’ouvrage, d’éviter la dispersion des moyens en engageant des études inutiles et coûteuses sur de trop nombreux projets.

Dans un souci d’amélioration de la gouvernance des investissements, la commission suggère également

l’idée d’une prise en charge par l’Etat du coût des nouveaux projets. Devant les fortes incertitudes sur la rentabilité des futures LGV, que révèlent les divergences de vues entre RFF et la SNCF sur l’économie du TGV, il apparaît préférable d’exclure RFF du plan de financement et de supprimer, par principe, toute contribution de sa part telle qu’actuellement prévue par l’article 4 de son statut. Ce schéma aurait, pour RFF, l’intérêt de le faire bénéficier des éventuelles recettes supplémentaires qui seraient constatées et de contribuer, dans ce cas, à une meilleure couverture de ses coûts. Par ailleurs, la clarification des responsabilités justifie un décroisement des financements et, dans cette perspective, la prise en charge par l’Etat du coût des investissements réalisés sur le réseau national, même si les collectivités locales peuvent aussi bénéficier des retombées des projets.